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Rencontres de Pétrarque

Les médias et la politique selon Jean-Pierre Elkabbach

Président de la Chaîne parlementaire Public Sénat, journaliste, ancien président de France Télévision, Jean-Pierre Elkabbach est l'auteur notamment de Actuel 2 (Albin Michel, 1973), de Taisez-vous Elkabbach, avec Nicole Avril (Flammarion, 1982), et de 29 mois et quelques jours (Grasset, 1997).

Entretien


Question : N'assistons-nous pas à une démocratie médiatique ?
Jean-Pierre Elkabbach : C'est une tendance de fond. Encore faut-il distinguer ce que l'on appelle une démocratie médiatique. Les médias sont souvent en accusation. Les reproches qui leur sont adressés sont fondés. Les causes en sont multiples : l'urgence, la tyrannie de l'instant, l'absence de sens, la volonté d'extraire vite les propos tenus par les leaders politiques, etc. Que les médias ont un rôle important et déterminant dans la politique, c'est évident, ils sont interdépendants de la politique, même lorsqu'ils se pratiquent d'une manière libre et indépendante. Mais je contesterais aux médias d'être à eux seuls les représentants les plus forts, les symboles les plus forts de la démocratie. Chacun doit être à sa place. C'est un pouvoir, c'est même un pouvoir important, on a dit qu'il était le quatrième pouvoir, quelquefois il a tendance à se substituer aux autres, avec comme légitimité le fait qu'il soit un média. Je pense que toute la société est dans une situation où elle doit s'interroger, se critiquer elle-même, sans complaisance, et les médias doivent faire partie de tous ceux qui doivent entrer dans une nécessaire autocritique. Alors, il est évident que les médias jouent un rôle important dans la démocratie. Regardez les pays du tiers-monde ou ce qu'on appelait le tiers-monde, dans des endroits où la presse n'est pas libre. Regardez la Russie où on essaie, soit-disant, de faire une démocratie.

Question : Aujourd'hui, les affaires sortent, contrairement à il y a 25 ans. Qui contrôle qui, la presse ou la politique ?
Jean-Pierre Elkabbach : Que la presse sorte plus d'affaires aujourd'hui qu'il y a une vingtaine d'années, oui et non. Mais il y a eu la presse qui a sorti les affaires. Regardez la garantie foncière, même sous l'époque du Général de Gaulle, regardez l'affaire Ben Barka. Toutes ces affaires, quand elles ont eu lieu, elles ont été dénoncées et expliquées. Il y a un aspect nouveau, c'est la place des juges dans la politique. La place des juges qui élucident, décortiquent les affaires qui paraissent les plus simples et qui sont parfois ambiguës, louches ou critiquables, et qui les révèlent et les mettent sur la place publique, en s'aidant d'un réseau d'amis dans la presse. Il y a une sorte de complicité, je le dis dans le sens objectif de complicité, entre la justice et certains éléments de la presse qui fait que tout est dévoilé, à un moment d'affaiblissement du politique. On n'a pas à s'en plaindre, c'est peut-être le début d'une sagesse. Mais en même temps, j'entends ici aux Rencontres de Pétrarque de Montpellier, dans ce lieu magnifique, que l'on met en procès le politique et je ne peux pas, moi, accepter de faire partie des inquisiteurs ou de tribunal de remise en question du politique.

Question : Devons-nous alors instaurer un organe mondial de contrôle de la presse qui aura, au moins, une compétence morale ?
Jean-Pierre Elkabbach : Dans la presse, on n'acceptera jamais un ordre mondial, on n'est pas sous Vichy. Qui va le désigner, qui va l'organiser ? Dans chaque catégorie ou secteur professionnel, il y a peut-être un ordre, mais jamais d'ordre moral. Il faut arrêter de mettre l'éthique à toutes les sauces et à tout bout de champ. Même les pires des bandits mettent en avant l'éthique, pour se protéger et faire semblant de nettoyer leurs écuries. Je n'y crois pas. Aujourd'hui, on charge trop les politiques. Il y a le problème de leur responsabilité pénale ; il y a à chaque fois des incidents qui les mettent en cause et qui font qu'ils se découragent et s'investissent moins dans la politique. Je crois qu'on les charge trop parce qu'il y a une poignée, une minorité de gens qui ont abusé de leurs pouvoirs de caractère politique, pour faire des malversations, de la malhonnêteté. Ceux-là, il faut les dénoncer, les expurger du système politique. D'autant plus qu'au-delà de toutes leurs responsabilités pénales, administratives, ils ont une responsabilité devant l'électeur.

Question : N'y a-t-il pas aujourd'hui, de la part des médias, une peur de déplaire aux lecteurs ?
Jean-Pierre Elkabbach : Votre journal a aussi le souci commercial de vendre le plus possible les exemplaires qu'il fabrique. La télé fait la même chose, la radio aussi. Aujourd'hui, on cherche par tous les moyens à être lu si on écrit, à être regardé si on fait des émissions de télé et à être écouté si on fait de la radio. Il n'y a rien de répréhensible, à condition qu'on ne vise pas bas, que l'on n'aille pas flatter les instincts les plus irrationnels du public, qui est souvent friand de ce qui ne le grandit pas.

Question : Ne faut-il pas réorganiser le paysage des médias français, privé et public ?
Jean-Pierre Elkabbach : C'est la tarte à la crème. Il faut, à chaque fois, privatiser ou déprivatiser. C'est sous Mitterrand qu'il y a eu le maximum de privatisations, c'est sous la gauche. Il faut arrêter.

Question : Faut-il faire une vraie télévision publique ?
Jean-Pierre Elkabbach : La vraie télévision publique ne vient pas du sommet. J'ai été assez un artisan, un artiste peut-être, un défenseur du service public, pour voir en même temps ses limites et à quel point il a été nécessaire, à un moment donné - et nous avons combattu à l'époque dans les syndicats pour cela -, de s'ouvrir au privé, de casser le monopole public et celui de l'État, en mettant un peu d'air avec le privé. La tarte à la crème, c'est de vouloir renforcer le service public et supprimer la publicité. D'abord, on est dans un monde ouvert, dans un environnement complètement ouvert. Aujourd'hui, le service public crève de lui-même, de sa bureaucratie, de ses rigidités, de son autosatisfaction, il faut qu'il se secoue. Faites-vous confiance au citoyen, au lecteur, à celui qui vous regarde, qui vous écoute ou qui vous lit ? Si vous ne méprisez pas ce citoyen-là, vous acceptez que dans un marché ouvert, il choisisse ce qui l'intéresse le plus. L'utilisateur choisit souvent le meilleur service. Mais ce n'est pas en décidant encore d'en haut, du pouvoir central politique, qu'il y aura à l'avantage du service public de nouvelles décisions, de nouvelles mesures, qu'on créera plus de circulation d'information, plus d'objectivité, d'impartialité, de créativité. La plupart des budgets dans le service public sont absorbés par le fonctionnement. Si le service public n'a pas les moyens suffisants pour son développement, pour se réformer lui-même ou se rééquilibrer, il se condamne à être privatisé partiellement. S'il ne se rend pas lui-même plus efficace, il y a une partie de France Télévision qui, en 2002, en 2003 ou en 2004, mais pas au-delà, sera privatisée.

Question : L'arrivée des multimédias ne va-t-elle pas concurrencer les chaînes de télévision ?
Jean-Pierre Elkabbach : Les chaînes thématiques, plus tout ce qui est Web, tout ce qui est Internet, ça va renforcer, à mon avis, l'accès du citoyen à l'information, à la communication, et c'est bon pour la démocratie. Mais avant que ça secoue réellement les grandes chaînes généralistes historiques, TF1, France 2 -  France 3, M6, il y aura beaucoup d'eau qui coulera sous les ponts. Les chaînes historiques vont perdre un peu, mais elles seront toujours avantagées, car elles auront deux tiers de l'audience, comme aux Etats-Unis : un tiers de l'audience d'autrefois et un tiers d'une nouvelle audience venant de chaînes thématiques et multimédias.

Question : Comment avez-vous vécu la transition du service public vers le service privé ?
Jean-Pierre Elkabbach : Chaque fois que j'ai connu une crise, dans ma carrière professionnelle, c'est dans le privé que j'ai pu trouver un refuge et un lieu d'expression de mon indépendance professionnelle. Je ne crache pas sur le privé, car s'il a ses contraintes, dans certains cas, il en a moins que le public. En ce moment, je préside la chaîne parlementaire du Sénat qui s'appelle Public Sénat, et que j'ai créée. J'ai donc accepté une mission d'intérêt général ou de service public à l'intérieur. C'est extraordinaire que les députés et les sénateurs aient voté, chaque assemblée de son côté, la création de sociétés indépendantes qu'ils ont confiées à des professionnels. Ils auraient pu les donner à des universitaires ou à des fonctionnaires, plus malléables ou plus près de les servir. J'ai accepté parce que d'une part, c'est une mission à caractère national, public, et d'autre part, c'était un défi, or j'aime bien innover et relever les défis.

Propos recueillis par Abdellah Ajnah
Montpellier - 20 Juillet 2000



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- France info

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- New York Times

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